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  • Photo du rédacteurThe English Fairy

Témoignage: "A chaque fois que j’ai été fragilisée et critiquée, je me suis remise en question."

Des moments difficiles, on en traverse tous en tant qu'enseignant. Parfois ça dure, parfois ça fait mal, parfois on doute. Lorsque l'on réussit à trouver les ressources, on reste et on continue. Il arrive malheureusement que nos doutes remettent tout en question, et nous conduisent à envisager d'autres horizons. Aujourd'hui, nous inaugurons cette nouvelle catégorie de "Témoignages" avec une petite fée qui n'a pas été épargnée par l'institution. Son expérience, criante de réalité, nous invite à envisager le quotidien des enseignants avec encore plus de bienveillance (et de poussière de fée).


Peux tu te présenter en quelques mots?

Je suis une petite fée de 36 ans et j’enseigne en collège depuis mes 22 ans.


Quel est ton parcours professionnel?

J’ai fait des études d’anglais dans le but de devenir professeur d’anglais. Ce projet était dans ma tête depuis plusieurs années. Après un an en Prépa Lettres, j’ai bien vu que je n’étais pas faite pour des études poussées.

J’ai fait une licence LCCE à la fac de Brest. Puis j’ai hésité entre continuer en maîtrise ou passer directement mon CAPES. Je suis partie 4 mois à Newcastle en juin 2015 en tant que fille au pair et je me suis décidée à passer le CAPES.


Comment s’est déroulée ton entrée dans le métier?

Pour commencer, j’ai passé mon CAPES dans l’académie de Paris, afin de vivre avec mon conjoint actuel. Je venais d’un petit patelin du Finistère Nord… Le choc a été rude. Mais je savais que je n’allais pas rester à Brest-même! J’ai préparé le terrain.

Puis j’ai été affectée en stage dans le fin fond du 77. J’ai dû acheter une voiture pour aller bosser: prendre les transports et atterrir dans le bus scolaire des élèves, c’était moyen niveau positionnement !

Mon tuteur n’était pas très fun et me demandait beaucoup de travail de préparation, d’anticipation et de remise en question, chose impossible quand on a 22 ans… Je n’ai pas toujours été soutenue avec les formateurs lorsque j’ai rencontré des difficultés de gestion de classe. (avec mes 3e par exemple). Ils m’en ont fait voir de toutes les couleurs. Quand j’y repense, les élèves du 77 BCBG étaient bien pires que mes élèves de Saint-Denis. Certains piquaient des crises pour enlever leur manteau. Je me rappelle d’un garçon qui m’avait menacée de faire venir son père gendarme car je l’avais accusé de tricherie avec son camarade.. Les élèves n’avaient peur de rien et savait bien que j’étais débutante.

Je me suis pris des claques. Lors de ma visite, la formatrice m’avait même demandé si j’étais sûre de vouloir continuer dans l’enseignement… Logiquement j’ai “redoublé” mon année de stage. C’e fut mon premier “échec” scolaire!!!

Heureusement, ma 2e année s’est nettement mieux passée, c’était à Saint Maur des Fossés, toujours avec les BCBG de la région parisienne donc. La tutrice m’a beaucoup appris et aidé sans me juger. J’étais beaucoup plus à l’aise avec les élèves. Bref une réussite ! J’ai mis toutes mes peurs et interrogations de côté.

Finalement, j’ai été affectée à Saint-Denis dans un collège niché entre 2 cités. Première année compliquée: j’avais des élèves avec des difficultés familiales et scolaires, 3h de transports par jour. Dur dur. J’ai beaucoup pleuré mais j’ai travaillé aussi pour m’adapter.

Je ne pensais pas rencontrer autant de pauvreté, de malheurs dans la vie d’enfants. J’ai été effarée de voir l’abandon et l’absence des parents dans l’éducation de leurs enfants. C’était bien loin de l’éducation et des valeurs que mes parents m’ont inculquées mais aussi du collège que j’ai connu en tant qu’élève.

Heureusement, mes collègues m’ont aidé et écouté en salle des profs. Ils ont été ma 2e famille. Toujours pleins d’histoires, de blagues, de projets innovants.


Qu’est-ce qui a déclenché ta remise en question? A quel moment as-tu douté?

A chaque fois que j’ai été fragilisée et critiquée, je me suis remise en question.

La manque de soutien du premier tuteur et des formateurs m’ont fait douté dès la première année.

Les conflits avec les élèves insolents et perturbateurs m’ont souvent demandé beaucoup d’énergie. Il m’est arrivé de me demander ce que je faisais là, dans ma classe, car les élèves se fichaient royalement de ce que je pouvais leur proposer. Malgré les punitions, les discussions avec les parents et les élèves, les commissions éducatives... Je me suis sentie impuissante. Je n’avais aucune influence sur eux..

Après mon congé maternité et des problèmes familiaux et de santé, je suis revenue au collège et ai retrouvé mes classes en mars. Cette période a été terrible. Je me suis sentie inutile et incapable de gérer les classes. J’étais fragile psychologiquement et je me suis vraiment demandé si je devais continuer dans l’enseignement. Les 3h de transports m’ont achevées. J’étais fatiguée nerveusement.

C’est à ce moment que j’ai décidé de demander ma mutation pour la Bretagne! Que j’ai obtenue 2 ans plus tard.


De quoi as-tu douté et pourquoi?

J’ai douté de mes capacités à gérer un groupe d’adolescents et leurs crises.

Ma passion ne s’est pas éteinte car j’étais toujours pleine de projets pour mes élèves. Je manquais parfois seulement de motivation pour VENIR au collège et j’avais peur de ce qui pouvait arriver en classe.

Pendant ces 7 années dans le 93, j’ai souvent fait grève contre nos conditions de travail et les suppressions de dispositifs ( aide et soutien, demi groupes…)

Aujourd’hui je suis TZR à Brest et comme tous mes collègues, je m’adapte aux différentes réformes même si cela nous demande une charge de travail colossale.

Cela fait 4 ans que je suis TZR et je suis toujours nommée le 1er septembre. Je prépare la rentrée dans le stress et l’urgence. J’accepte l’emploi du temps et les projets qu’on m’impose. C’est usant. Je ne pense pas que l’Education Nationale se soucie vraiment de nos conditions de travail. Malgré tout, on fait avec.


Comment cette remise en question t’a conduit à envisager la démission?

Je me suis demandée si mes formateurs avaient raison au final? Si j’étais vraiment faite pour enseigner? Car enseigner c’est aussi gérer une classe, pas seulement enseigner des savoirs. Et puis les années suivantes m’ont donné raison de continuer: j’ai été tutrice à l’année puis tutrice de 2 étudiantes en M2! J’étais pas si nulle au final !


As-tu cherché du soutien autour de toi?

J’en ai parlé à mes parents, mon conjoint, mes collègues en salle des profs mais aussi mes collègues plus proches. Ils m’ont toujours soutenu, remotivé et à chaque fois je retrouvais l’envie de continuer.

Où en es-tu de ta réflexion? Souhaites-tu toujours quitter l’EN?

Aujourd’hui, j’ai changé de vie/ cadre de travail et fais face à d’autres problèmes : je ne maîtrise pas les emplois du temps, je ne connais pas mon futur établissement…Je vais sans doute travailler encore quelques années en tant que TZR et serais nommée un jour titulaire d’un poste. A ce moment-là je verrais comment ça se déroule SI je suis déçue, je pense quitter l’EN mais toujours enseigner mais ailleurs…


Qu’est-ce qui t’a raccroché au wagon?

La changement de cadre de vie et mes élèves choubidous bretons m’ont clairement redonné la foi ! Ils sont à 80% motivés pour tout et produisent des supers projets. C’est rassurant !


Quels conseils pourrais-tu donner à des enseignants qui traversent ce genre de questionnement?

Je leur dirais de bien réfléchir et prendre le recul nécessaire.

Laisser passer la crise, la tempête. Prendre l’air.

En parler avec les collègues. Aller observer ses collègues en classe.

Changer sa façon de faire. si vraiment les problèmes rencontrés persistent.

Pourquoi pas consulter un psychologue. ou demander l’avis d’un formateur.

Envisager de muter ailleurs!

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